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L'Agrithéâtre

L'Agrithéâtre

le lieu culturel qui se construit avec ceux qui sont là


Emotion contemporaine

Publié par Agrithéâtre sur 24 Novembre 2019, 14:43pm

Emotion contemporaine

Chronique de lectures peu recommandables

 

 

La situation géopolitique mondiale n’a jamais été aussi tendue depuis la dernière guerre, et les équilibres qui tentent de se faire sont désormais paramétrés par des facteurs mondiaux à une échelle que nous n’avions jamais connu. Le paramètre climat et son corollaire les flux migratoires sont les principaux. Il ne s’était jamais autant construit de murs que depuis la chute de celui de Berlin. Voilà une métonymie étrange quant au sens qu’elle véhiculerait. Le véritable enjeu qui se profile à l’horizon du XXI° siècle est la contenance des populations en cas de dérapage du système énergie-ressources qui entraînera très vite famines maladies exodes, et aura pour conséquence des gouvernances ultra fascistes qui seront les seules à rassurer le bétail humain. Il nous faudra inexorablement arriver au sacrifice des plus démunis. Et si j’emploie ici le mot de sacrifice c’est que ce sens du sacrifice est, si l’on y prête l’attention qu’il mérite , ce qui a tenu l’humanité depuis ses débuts et contribué à faire société. Le sacrifice a entre autre instauré l’admiration, la crainte, la croyance, et la gouvernance des prêtres qui eux savaient (en partit) ce qu’ils faisaient. Les religions ont été instaurées, les cosmogonies les ont étayé, et la survie de l’espèce humaine a ainsi été assurée par la construction d’une structure symbolique de domination, qui a fait ses preuves, et qui a permis de créer une autre religion encore plus puissante celle là : la science.

 

 

Qu’est ce que le sacrifice ?

Il est difficile de répondre simplement à une pareille question. Et si je tente de le faire j’ai conscience aussi de ma subjectivité et de ses excès d’interprétation. Loin de moi l’idée d’affirmer une vérité mais plutôt de penser le sacrifice.

Une mère se sacrifie pour ses enfants, Dieu demande à Abraham de sacrifier son fils, une directrice d’école se sacrifie par excès d’altruisme, un officier montre l’exemple en se sacrifiant pour sauver ses soldats. Qu’ont en commun ces sacrifices ? Pas toujours la mort, ou la gloire, mais la soumission, l’abandon, un renoncement.

Le rapport pauvreté richesse qui domine le monde nous interpelle sur le constat qu’une classe en sacrifie une autre pour sa jouissance, au prix exorbitant et symbolique d’une extinction du vivant ( espèces vivantes, végétales). Ce sacrifice semble être radicalement le fondement même de la civilisation blanche occidentale. Européenne.

Les colonisations ont éradiqué des civilisations entières. Donc des cultures différentes, qui par ailleurs pratiquaient le sacrifice animal et humain. Il y a dans ce fonctionnement une sorte de fatalité. L’homme serait prisonnier d’une barbarie animale primitive, et le langage qui est censé le différencier de l’animal, ne lui aurait permis que la ruse d’une justification, celle d’un Ulysse qui ne veut pas rentrer à Ithaque, et se donne plein de raisons de traîner de ci de là, chez les femmes surtout, en bon hétéro qu’il est, Ulysse.

Après dix années de nazisme, deux philosophes marxistes, Horkheimer et Adorno, chefs de files de l’école dite de Francfort développèrent un théorie sur le sacrifice et arrivèrent à la conclusion que «  L’histoire de la civilisation est l’histoire de l’introversion du sacrifice » .

Un autre philosophe, tout aussi (mé)connu que les deux autres, j’ai nommé Jacques Derrida, s’interroge et interroge du même coup une pensée forte à savoir celle de la psychanalyse sur la question de la résistance actuelle du siècle à cette « science molle ». Car prouver la structure de l’inconscient comme celle d’un langage, ce n’est pas plus méprisable que la découverte du boson de Higgs. Derrida interpelle la psychanalyse : «  …tant qu’un discours psychanalytique n’aura pas traité//du problème de la peine de mort, et de la souveraineté en général, du pouvoir souverain de l’état sur la vie et la mort du citoyen, cela manifestera une double résistance, et celle du monde à la psychanalyse et celle de la psychanalyse à elle même comme au monde//…. ». Pourquoi Derrida s’adresse t il et charge t il la psychanalyse de ce problème ? Est ce en tant que la psychanalyse est une « science » Européenne ? Et que la cruauté (peine de mort, viet-nam ) serait Américaine, arabe, ou asiatique ? Sachant que le sommet du « mal » a été le concentrationnaire Nazi, au nom de l’esprit allemand, si cher à Heidegger. Disons que Derrida interroge un discours ( psychanalytique ) qui peut s’attaquer à la question de la cruauté. Et il le dit : là ou la métaphysique ne peut rien. Il y a là un acte de foi et d’allégeance de Derrida à la psychanalyse, mais…je m’éloigne de mon propos.

J’en étais au sacrifice, car la peine de mort c’est du sacrifice, on continue à sacrifier et mettre en scène la mort afin de criminaliser l’acte d’un être aux yeux de tous. Le film de Lars Von Triers, Dancing in the dark, est de ce point de vue édifiant par sa dernière scène de la pendaison. J’ose le dire : ce que nomme Jean Marie le Pen dans son «  c’est un détail de l’histoire » en parlant de la Shoa, c’est bien ce que nous sommes en train d’interroger. De tout temps, la torture, la cruauté jouissante de la souffrance du corps de l’autre, de l’animal aussi, a fait son travail sur les esprits et ce travail est un travail de soumission, de résignation. L’Eglises et ses prêtres se sont chargés de la chose, avec l’aide de la sainte inquisition.

Le couple infernal Cruauté et souveraineté, doit être pensé, et ce au delà de la pulsion de mort et de la maîtrise souveraine. Et aujourd’hui la mondialisation crée des tremblements géopolitiques énormes, qui restructurent depuis la seconde guerre mondiale la scène de la violence, et nous devons sérieusement penser le sadisme des souverainetés, les instances pénales internationales, les concepts des droits de l’homme, de la femme, qui résistent aux analyses ; ainsi l’éthique, le juridique, et le politique paraissent dominés par une certaine métaphysique onto-théologique de la souveraineté dit Derrida. Il nous faut sortir de cette conception archaïque

La mondialisation sacrifie, elle , et le reste ; tout en fait, suicide absolu, imbécile. Le héro se sacrifie pour se soustraire au sacrifice. Vieille conception. On assiste aujourd’hui à cette décérébrations permanente des masses, et à la récupération de cette cruauté par des manipulations politiciennes très archaïque dans leurs formes et manière de penser, qui vont dessiner dans les décennies à venir « les rivages de la nouvelle préhistoire vers lesquels voguerons vos fils fascistes », chers à Pier Paolo Pasolini.

Voilà qui me ramène au théâtre et ma pensée va à Sarah Keine, qui s’est sacrifiée dans un témoignage peu entendu et peut être essentiel à notre propos, je ne sais pas. Mais le théâtre doit plus que jamais annoncer le chantier à venir, et ce sans trop prendre de précautions esthétiques, l’heure n’est plus à un esthétisme de Dandy, ou une poésie pour notaires romantiques vieillissants. L’heure est au sens. Donner du sens à la scène voilà l’urgence.

 

A suivre
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