Fin d’un cycle pour l’Agrithéâtre, fin d’une année pleine de travail, les ateliers sur Racine, Alceste et Jeanne, et ce final magique proposé par Eliane Davy sur un de mes vieux textes « Hôtel des Amériques » qui me fait oublier l’horreur de cet anti-festival de saint Céré. Il y a eu plus de monde à ces deux lectures qu’au festival de saint Céré, faut le faire non ? En revanche le public de Saint Céré qui semble n’être que les Adhérents de la FNCTA et de son bureau, encore un entre soi, n’étaient eux, pas là. Mais le public quand il n’est pas l’entre soi bourgeois des adhérents de la saison officielle, est une pâte qui se pétrie, change, comprend, s’indigne, s’enthousiaste, boude, part, revient, un peu comme des électeurs sur la tête d’un politique. Mais le théâtre est politique, il doit l’être de plus en plus, puisque nos gouvernances sont dépolitisantes. Les néolibéraux savent ce qui est bien pour le peuple, alors, ce n’est pas la peine d’écouter ce dernier. D’ailleurs qu’est ce qu’un peuple ? Quand on se donne la peine d’y réfléchir, c’est purement vertigineux.
Pour en revenir à cette clôture de Saison, le bilan est, pour l’Agrithéâtre , une totale vérification de sa politique culturelle. Financièrement, nous sommes à zéro, comme se doit de l’être toute association a but non lucratif, loyers payés, investissements faits, spectacle amortit.
Merci encore aux donateurs généreux qui nous soutiennent, et au public fidèle et nouveau qui constitue la part principale de nos finances. Merci au bureau d’être présent, notamment Gilles Septier avec qui j’échange beaucoup, merci à Kristine Orero Cabessut qui donne des coups de mains physiques et tactiques, qui prend à charge l’affichage local, à Manu, Isis, Anne, Marie Pierre, Brigitte, Nathalie, pour leurs engagement dans notre travail d’acteur et qui font vivre ce lieux si envié de beaucoup.
Je reconnais que notre travail est très lourd et fatigue avec l’âge, je suis parfois désespéré par l’incompréhension de certains, que ce soit des usagers ou des politiques locaux, qui ne réalisent pas que faire exister de tels lieux sans aucune aide extérieure est un exploit, une chance pour leur commune, que de tels lieux seront très vite nécessaires car nous allons vers un appauvrissement du théâtre autre, appelons le « l’autre théâtre », un théâtre qui sort des contraintes d’une censure invisible, celles des subventions, de l’intermittence, de ce luxe Français qu’on nous envie, mais qui à la longue tue l’innovation, l’invention, qui se sclérose dans ce confort esthétique qui nous rassure, oui tout va bien rien ne change, c’est un mauvais moment, la guerre est encore loin de nous, alors que j’écrivais il y a vingt ans : toutes le guerres sont à nos portes. Et on me riait au nez, comme d’habitude.
Le manque de culture et de clairvoyance des contemporains a toujours été un drame. Et la clairvoyance reste toujours parait il du côté des « sachants », aujourd’hui spécialistes, milliardaires, technocrates, artistes d’état, journalistes et philosophes médiatiques, tout ce petit monde qui s’appliquent à servir leurs images payées par des pouvoirs médiatiques qui dispensent désormais la propagande moderne, la dépolitisation des masses. Et quand on voit, on lit, on entend nos députés ne plus rien représenter, si ce n’est un comportement radicalement stupide autour de sujets phares, au lieu d’entamer avec le peuple, si ce terme a encore un sens, une réflexion sur ce que devient notre monde…mais, il suffit me direz vous, de se couper du flux de désinformation. Dès lors on peut se consacrer à soi, faire des choix clairs, s’occuper des autres. Bien sur. S’occuper de son jardin. Voltaire avait raison. Kafka aussi, qui affirme dans sa correspondance à Miléna que dire la vérité est impossible, qu’à la dire on se ment, que le langage nous trahi, que traduire c’est devoir être encore plus près du vrai, ne plus parler sa langue, ne plus parler du tout, se taire enfin serait la vérité. Loin de Voltaire, Kafka !
Comment dire l’essentiel vrai qui touche et fait souffrir, quitte à ne plus être dupe de sa falsification, de son travestissement, quitte à s’avérer trahi par soi, qui trahi l’autre, parce qu’il n’y a pas de vérité, simplement des passages que l’on emprunte au hasards des cercles pluvieux et abondants de nos vies arides qui perpétuent le trucage de l’existence.
Faire du théâtre demande une authenticité absolue et totale. Certains y parviennent parfois, et cela doit être notre évangile.