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L'Agrithéâtre

L'Agrithéâtre

le lieu culturel qui se construit avec ceux qui sont là


Devenir d'un théâtre déjà vieux

Publié par Agrithéâtre sur 7 Février 2024, 18:26pm

 

« L’acteur pousse son mort devant lui » Cette phrase est de Valère Novarina, auteur institutionnel certes mais génial, comme quoi le fait d’être reconnu et subventionné peut ne pas enlever un certain engagement ( humain, politique). Il y a l’acteur, avec son complexe de vie, ses douleurs, ses blocages, ses paranoïas, ses angoisses qui donne « vie » à un « personnage » suivant un processus émotionnel. Un pathos. La valeur d’une représentation tient aujourd’hui dans la quantité d’émotion qu’elle dégage. Une actrice bouleversée, en larme, sacrifiée et sanctifiée devant « son » public va faire un « succès », peu importe les valeurs de sens que le texte véhicule, elle « est » le personnage, et le public est effectivement bluffé par sa « folie ».

 

 « L’acteur pousse son mort devant lui », il est derrières son cadavre, mort à lui même, il se désincarne. Il s’agit d’une sorte de transe, et la  transe n’est pas, pour le moins, occidentale ; elle s’apparente à d’autres cultures. Voir à ce sujet « les maitres fous » le documentaire de Robert Flaherty sur un rituel théâtral Africain. Les acteurs prennent des drogues, et convoquent des archétypes d’objets, d’humains, d’animaux, et dans cette transe développent l’écriture d’un spectacle accidentel. Chez les orientaux, les hommes incarnant des personnages féminins, ont des douleurs menstruelle toute leur carrière d’acteur ( si le mot «  carrière » peut encore convenir dans ce cas ).

« L’acteur pousse son mort devant lui » mais le mort ressurgit comme le fantôme et occupe le vivant de l’acteur, l’instant de se démaquiller, de se désenvouter, de se réincarner. Trouble dès lors. To be or not, ne se dit on pas. L’acteur pratique l’art d’être schizo. Mais cela est une pratique, au risque de se prendre à son propre jeu, avec un danger, conduisant à des suicides, des hystéries violentes, des déséquilibres sociaux ; une impossibilité de décrocher de la chose : soir après soir vivre le jeu de la vie, mort à soi même, et vivant l’autre avec une intensité applaudie par l’assemblée de ceux qui viennent voir leur société dans ses gloires et ses dérélictions.

Jouvet convoque le comédien désincarné. Apprendre à ne plus être soi, se soumettre à un texte, à un « global » du texte, à savoir non une exacerbation de l’égo pour l’acteur, qui se désincarne au service d’une musique, qui décline un propos, une morale, des émotions.

De ce point de vue les théâtres orientaux, indiens, chinois, japonais se sont fossilisés dans des traditions du geste et du son que le théâtre occidental n’a pas. Ils offrent une culture construite sur des facultés d’apprécier le geste, le pathos, la folie des personnages interprétant des archétypes, du symbolique qui structurent dès lors un commun populaire. Nous, occidentaux, sur – psychologisons nos éthos et ce faisant dé-symbolisons la représentation jusqu’à faire surgir le ridicule triomphant de la comédie dites de mœurs. Un autre théâtre est il possible, qui mettrait en constructions dans nos êtres  d’autres sensibilités, plus spirituelles, plus inspirantes. Il doit falloir pour cela heurter le spectateur, déplacer nos points de vus, abandonner nos idôles et regarder ce qui est à venir. Il faut pour cela conter le présent avec un regard autre sur le passé à venir de ce présent. Il est évident que malgré l’argent et les politiques publiques, ce théâtre ne peut venir. A moins de recherches marginales, sans idéologies, poétiques, libres de toutes normes. Il faut en passer par là, et la monté des nouveaux fascismes va bien sur aiguiller les goûts sur des certitudes acquises, que l’on a beau savoir dépassées, qui vont rassurer le public, comme si le seul présent possible était un passé éternel sans avenir.

Le théâtre n’est il pas toujours cet art du vivant qui convoque les morts ? Et cet art ne peut rendre compte que de cela. D’un impossible devenir. D’une éternelle diférAnce. Tout autre prétention en fait un récit de l’inutile. Une Anthropie.

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