Beaucoup de choses changent pour l’Agrithéâtre en ce moment, beaucoup de rencontres étranges, surprenantes, et peu de personnes investies mais très présentes. Cela ressemble à la vie, finalement. Le lieu se construit tout en se déconstruisant sans cesse. D’autres publics surgissent, d’autres s’absentent, reviennent, passents. Des expériences se font, parfois dans le chaos de la création, des urgences inutiles, mais parfois aussi dans une grâce surprenante, Le concept d’accueil libre est celui qui s’approche le mieux du lieu. Cependant il ne se soumet à aucune organisation rigide, de création de public ou de programmation.
Cet été des gens de l'Odin Théatret, théâtre crée par E. Barba, sont passés à ma grande surprise. Ils parlent du lieu autour d’eux dans d’autres pays, Espagne, Amérique du sud, Europe. On connais presque mieux le lieu à Belgrade qu’à Francoulès, voire Cahors. Une dissémination des Tiers lieux existe, mais aucune connexion ne les relie si ce n’est leur fréquentation par des chercheurs, des créateurs, des comédiens, danseurs, chorégraphes, metteurs en scènes, qui entendent son existence, et son accueil.
Nous faisons partis de cet Archipel du Théâtre que Barba défini dans le livre éponyme, malheureusement plus édité, comme tellement de choses que le capitalisme dévorant ôte à nos cultures.
Ma relecture récente de ce livre si important, suite à mes visiteurs de cet été, m’a à nouveau connecté avec l’Anthropologie Théatrale, que, par le biais de Grotowski, je n’ai jamais cessé de lire, et de pratiquer, mais aussi le traité d’Eugénio Barba, qui nous conduit dans sa quête de l’humanité à travers ses voyages et ses expériences théâtrales.
Le théâtre est une expérience humaine unique, mais n’est pas une solution communautaire, ni une technique susceptible de se découvrir. C’est plutôt une voie de questionnement vers l’autre, et soi. Une sorte de processus réflexif qui met nos vies en danger de vie. On en meurt parfois, mais d’une mort qui nous engage dans une sorte de sur-vie, quelque chose au dessus de la vie, du vivant.
Les récentes expériences de Stages à l’Agrithéâtre ont revérifié ces choses. Nous avons assisté à des expériences chez des acteurs professionnels et d’autres, plus jeunes, moins avertis, qui ont révélé des caractères, des forces puissantes, inconnues, qui dérangent, ravissent, cassent, orientent finalement nos existences sur les plates bandes de la société, là où l’on quitte la voie droite, pour se tracer la sienne propre, quand on y parvient, après l’abandon de tellement de choses apprises, incrustées, tatouées dans nos êtres, que ce chemin du théâtre ne sera jamais et surtout pas, la voie vers la célibrité, la gloire ou la reconnaissance, mais vers soi. Et la solitude.
Toutefois, je reconnais dans mon travail et ma démarche, d'être loin des concepts de mes maîtres, tout en m'en rapprochant dans ma volonté de rétablir un théâtre anthropologique qui interroge, et remet en marche un esprit critique maltraité par les médias.
L’Odin théatret œuvre dans une voie ultra marginale. Barba définit cette voie par ce qu’il nomme TROC. Le théâtre permet le troc. Le troc est une voie d’échange de représentation, sans jugement esthétique ou de contenu. Il s’agit de rencontrer. Simplement de cela : Rencontrer. Dans ce texte il redéfinit le théâtre populaire comme Troc, magnifique critique et analyse.
Voilà le texte : Il parle du théâtre.