Aleph, un récit Européen
Cartographie Baroque d’ une mise en scène
C'est le xixe siècle, dans la mesure où il a fait de la mécanique l'archétype des sciences expérimentales, sources de toute action technique efficace, qui a pratiquement identifié « science » et « déterminisme ». Lorsque, dans un contexte idéologique bien différent, celui des années 1920-1940, les premières découvertes de la physique quantique ont ébranlé la représentation du réel héritée de l'ontologie classique, la « crise du déterminisme » a dû apparaître (ou a pu être donnée) comme le symptôme d'une crise plus radicale : celle de la science et de la raison. Notre siècle accouche de cette crise.
De la pensée scolastique, à une pensée soit ontologique soit phénoménologique, bien que ces analyses se rejoignent à leurs racines, à savoir la pensée de Husserl, par le biais de la pensée Grecque. . Y aurait il dans l’humanité une entéléchie à advenir, qui serait son essence même. L’Europe serait elle, par la complexité des points de vus qu’elle a du explorer par son histoire propre, arrivée à une idiosyncrasie particulière qui en ferait, de fait, une culture dominante.
Ce questionnement n’est pas prodigué clairement de nos jours, dans un moment où précisément l’Europe se lézarde, et où plutôt que de se conjuguer, ses cultures et ses langues s’isolent dans des nationalismes stériles, voire infantiles, qui se rapprochent des vieux démons slaves ou Américains.
C’est cette pensée Baroque que nous explorons dans notre spectacle . Le Baroque né en effet dès lors que le monde sort de la chaîne métaphysique médiévale, application rigoureuse de la vision thomiste[1] du rapport entre les trois « partenaires » que sont Dieu, le monde et l’homme, apparaissent les phénomènes religieux du protestantisme puis du Concile de Trente, en partie réaction augustinienne[2]. Puis se fait jour une affirmation de la laïcisation de la pensée philosophique et de la pensée juridico-politique. Il y a alors reconstitution complète de la chaîne de raisons (au sens cartésien), c’est-à-dire de l’enchaînement des raisonnements logiques qui symbolisaient jusqu’alors le principe explicatif de l’homme, du monde et de Dieu selon saint Thomas… Il semble qu’en ce XXI° siècle nous revenions à un effondrement semblable et qu’une renaissance soit attendue. Mais à sa place nous assistons à une triade Science ( Dieu), Univers ( Monde et exploration spatiale ) et la violence ( l'homme, les mouvements féministes ). Ce n’est pas la fin de l’histoire mais bien plutôt la métamorphose d’un passé récent en un avenir peut être impossible.
Dans ce spectacle deux Europe(s) règlent leurs comptes avec leurs fondations et leurs dérives: la jeune Europe est celle issue des immigrations asiatiques et de l’Utopie Athénienne, et la Vieille Europe, ce vieux continent ainsi que le désignent les USA, qui se considèrent comme un pays neuf, sans histoire autre que celle d’une colonisation génocidaire. D’où notre choix de traiter le spectacle suivant une forme ancienne de théâtre, mais sans masques ni décors : celui de Sophocle, Euripide, Aristophane et d’autres encore pour ne citer que les plus connus.
Un chœur sans Coryphée[3], un chœur de peuples qui réclame sans cesse son représentant, précisément son Coryphée. Et choisit Europe pour le représenter. Mais Europe est une héroïne, et ne peut être un Coryphée. D’où une tension de structure, que nous exploitons jusqu’au procès d’Europe par ses peuples. Et sa fin métaphysique, en quelque sorte.
Nous voulons non présenter un spectacle élitiste, mais bien plutôt un Rêve Baroque insolent, inspiré non de la grande histoire mais plutôt des contes populaires invisibles, des aprioris hollywoodiens, de récits imaginés, avec bien sûr des références à tous les penseurs Européens, aux musiciens, aux religions, à un imaginaire perdu, non enseigné. Presque un devoir de mémoire oubliée que ce spectacle !
Le basculement du monde a déjà eu lieu à plusieurs reprises, dans les siècles précédents, écologiques, météoriques, politique et social avec les totalitarismes. Volontairement, nous ne donnons pas de l’Europe une version historique exacte, une géographie sociale précise, un point de vue politique, ces notions ne nous intéressent pas. Il s’agit d’un point de vue poétique baroque donc. On se moque entre les lignes, à la fois du théâtre, des personnages de Romans, mais jamais des peuples qui ont soufferts, des intellectuels qui ont fait l’Europe, ni même de la jeune Europe et de ses rêves de gloires détruits par ses travers de conquêtes et de dominations, aujourd’hui pointés du doigt comme une faute originelle.
De la grèce antique à l'attentat de Sarajévo, un voyage onirique de deux heures. Un point de vu imprenable.
[1] St Thomas : Considéré comme l'un des principaux maîtres de la philosophie scolastique et de la théologie catholique
[2] St. Augustin : Augustin d'Hippone ou saint Augustin, dont le nom latin est Aurelius Augustinus, né le à Thagaste et mort le à Hippone, est un philosophe et théologien chrétien romain, l'un des quatre premiers Pères de l'Église latine à se voir conférer le titre honorifique de docteur de l'Église.
[3] Chef de chœur, dans les pièces du théâtre antique.