Debord et le théâtre : c’est un peu comme Artaud et ses doubles, les filles d’Artaud que ses âmes habitent, d’autre-corps. Il s’agit d’un impossible. A aucun moment un théoricien de l’humain, du « système d’une humanité spectacularisée» plus exactement, ne peut être théâtralisé, c’est à dire que son texte n’est pas écrit pour la scène. Le lire demanderait l’absolue humilité de la lettre. De l’idéalité. De la pensée donc. Peut on « lire » la pensée, à moins de la rendre sonore, de la sortir de l’invisible pour la restituer à un autre indicible, et de fil en aiguille, de Charybde en Scylla, la fondre « littéralement » dans le corps qui héberge l’esprit au nom de ce qui divise le sujet de l’être, à savoir la voix.
La lecture de ce soir a été traversée de diverses directions contradictoires et généreuses, voire disruptives, qui en ont fait une lecture étrangement bien perçue par un auditoire dispersé. Etait ce la bienveillance d’un public avertit, mais peut il y en avoir d’autre, vu le sujet « Debord », où bien un état à vif des lecteurs qui furent surpris de leur mise en danger de lire dans la configuration de l’espace du théâtre. Attrapés par le son, l’écoute, la qualité du texte et son montage, nous, lecteurs, dont j’étais, avons été pris par une poésie, je dirais l’intime que Debord offre, et qu’il donnera jusqu’à son suicide . Une époque troublée, une jeunesse perdue qui cherche à changer les rapports entre les êtres, et changer l’homme. Et n’est ce pas finalement encore et toujours et aussi la notre, d’époque avec ses questions nouvelles, conséquentes de celles non réglées, et posant encore d’autres questions, prisonniers que nous sommes de l’histoire, cette fille de l’écriture qui fige nos voix au point de ne plus pouvoir parler, se parler.
C’est peut être cela, dont ce soir nous, lecteurs de Debord avons été victimes, que l’auteur était là, sa voix même, dans l’invisible lettre de sa détermination à s’insurger contre un monde à la dérive, des identités aliénés, une lecture impossible.
Nous le convoquons à nouveau Dimanche à 17h. Venez entendre sa voix, nos voix.
Merci Debord, merci Jean luc Axelrad.
Benjamin S