Le petit poucet sème des cailloux derrière lui. Il laisse une trace. Sa trace. Il écrit un chemin. Pour qu’on le retrouve, pour ne pas mourir. Il trace une carte, qu’il destine au regard attentif d’un enquêteur avertit. Chacun de nous est dans ce cas, et le mythe de Chronos avait bien imagé cette angoisse, d’être dévoré par celui qui ensemence, le père-temps. La profusion panique de livres sur tout, d’écrivains spontanés, technicistes du verbe pour certains, imitateurs pour d’autres ou ceux encore qui révolutionnent l’orthographe, à savoir la mémoire elle même de l’origine des mots et de ce qui les lient l’un à l’autre, d’une trace donc, tout ces écrits vains de passage qui veulent signer ce millénaire de la trace de leur égo, tous s’empilent dans des étalages-nécessités quasi psychotiques de voir reconnue l’œuvre. C’est à dire que la production doit voir surgir de son immanence triviale la transcendance cinématique de l’imagination de ses auteurs. Un peu comme si les productions qu’ont fait nos pères littéraires, cinéastes, peintres, sculpteurs fabricants d’images et de représentations étaient une totalité finie, écrasante, indépassable pour les générations actuelles confrontées à ce qu’elles appellent déconstruction des héritages.
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Performance ce mot anglais signifiant spontanéité créative et productive. Voilà le mot du siècle, qui rejoint le produit, et son économie.
Voir mon image à tout prix, partout et quand je la voie je joui. Je suis social-reconnu, google-nombré et membré, je gagne ma vie avec mon art. C’est une pierre au cou pour se noyer dans l’insignifiance. Cependant il est des artisans qui tracent des lignes au bord des névroses et des psychoses, des traits des bords du monde, sans étiquettes avec un prix indiqué dessus, des lignes de fuites et de rendez vous avec des ombres, avec les morts, les dieux surtout et la parole, celle qui parle de ce qu’elle voit à l’aveugle, et qui peint de silence les entours des surdités, pour que le calme se fasse dans les ossements, ceux qui résonnent du fracas de nos propres mots, comme les vagues sur le rocher des falaises.
Le petit poucet se tait, et lâche ses cailloux, petites traces aperçues du passage. Il n’y a bien que lui pour faire cela, ça lui ressemble. Il revient sur ses pas. Sur son passé, en plein devenir.