Négation de l’art et instrumentalisation
La territorialisation des politiques culturelles, accompagnée de l’inscription de la culture dans les politiques sociales, conduisent à valoriser la démocratie culturelle au sein des politiques culturelles (Martin et Saez, 2004). La médiation comme facteur de lien entre l’œuvre et le public, après avoir été un temps dévalorisée, suscite une attente forte des pouvoirs publics, comme réponse au désengagement des artistes du terrain politique et social. Parce que les subventions deviennent de plus en plus difficiles à décrocher, parce que les conditions d’obtention des allocations chômage se durcissent, les artistes se contraignent parfois à accepter des actions de médiation pour sauver des financements destinés à la création. Cette contrainte s’apparente le plus souvent à une forme d’autocensure, car il est de mauvais ton d’exprimer clairement son refus de la médiation. Même les artistes qui considèrent avec intérêt la médiation regrettent que la pression politique et sociale soit si forte. L’on pourrait alors suivre le point de vue de Patrick Champagne : Il semble que la seule action culturelle qui trouve grâce aux yeux des responsables politiques ou administratifs est celle qui «rapporte» en termes économiques ou poli[1]tiques. Cela choque le milieu artistique dans la mesure où l’art suppose un minimum de désintéressement. La création artistique n’obéit pas à la logique économique du «†retour sur investissement». Cette survalorisation de la médiation et cette tendance à l’instrumentalisation de l’artiste ne seraient-elles pas deux symptômes d’un phénomène plus général†: la substitution de la culture à l’art ? Sous couvert de «médiation», n’assisterions-nous pas à un profond réaménagement des pouvoirs au sein de l’espace culturel (Ripoll, 1998)? «À l’intérieur de la sphère culturelle, là où l’omnipotence du culturel s’impose au détriment de l’esthétique, tout doit être lisse, dépourvu d’équivoques et d’ambiguïtés» (Jimenez, 1995: 37). L’artiste ne serait-il pas devenu un simple pourvoyeur d’objets culturels, tel que le dénonçait déjà Hannah Arendt ? En effet, au nom de la cohésion sociale à (re)construire, le «†trop» de médiation conduit à léser l’objet même de celle-ci : l’œuvre. La seule réponse serait alors de maintenir le projet artistique au cœur du processus de médiation et d’affirmer son primat sur tout objectif externe au champs artistique.
Marion DENIZOT Département des arts du spectacle Université de Rennes II
Le role de l'universitaire est bien d'analyser avec ses concepts et codes une situation sociale, culturelle, et on voit bien dans cette publication de Marion Denizot, combien la résistance de l'Agrithéatre à l'institution s'inscrit dans une tendance actuelle, face à la crise des institutions politiques, et trouve sa genèse dans une résistance à une usure actuelle des libertés, artistiques entre autre.
Si l’on accepte la double hypothèse de Denis Guénoun, ( Bio-Biblio – Denis Guénoun (denisguenoun.org)) selon laquelle, d’une part, le théâtre requiert un rassemblement public de spectateurs (par conséquent, il n’est de théâtre que par la présence d’un collectif effectivement réuni, d’un public assemblé), et, d’autre part, la caractérisation du théâtre comme pratique «†intrinsèquement politique», parce que «†la convocation, par appel public et la tenue d’un rassemblement, quelque en soit l’objet est un acte politique†» (Guénoun, 1998: 10), on peut alors convenir que la rencontre entre la création et le spectateur, mis en coprésence, définit la nature même de cette pratique artistique.
Le problème du théatre aujourd'hui est qu'il devrait retrouver son identité politique, et donner des pistes sur notre époque ; époque qui subit des changements structuraux très puissants, et que la visée sotériologique masquée de la science occidentale conduit à des solutions ponctuelles anhistoriques autoritaires et dépourvues de toute réflexion . Cette réflexion le théâtre se doit de la mener . Ce n'est d'ailleurs qu'à cette seule condition qu'il pourrait retrouver son versant populaire et contribuer à une véritable reconstruction sociale et culturelle, non commandité par des politiques ministérielles et technocratiques, mais par un véritable mouvement populaire dont notre époque cherche l'émergence joyeuse.
Versant Dyonisiaque donc !
Benjamin Sisqueille. Intellectuel Iconoclaste non validé par l'université.