Une cadavérique machine humaine
L’état du monde est tragique. Je parcours, me glisse, étudie, me passionne, m’irrite depuis plus de quarante années maintenant après l’homme et ses philosophies, ses religions, l’art, la politique, l’économique, la guerre et toute cette production qui a pour dénominateur commun la langue, cette parole commune qui nous relie autour d’un vide principiel.
Le théâtre a tenté de rendre compte de ces choses, au profit parfois de représentations stupides et molles, certes, mais qui faisaient leur travail d’oubli. Oublier le tragique, rire de notre condition, cela m’est devenu vain, inutile et le rire en cette période de confinement m’est devenu totalement insupportable. De quoi peut on, doit on rire, et au nom de quelle fuite en avant ? Je connais les réponses ce sont toujours les même, et ma position ne change pas. Alors ?
La condition de servitude dans laquelle nous sommes plongés, permet aux pouvoirs qui gouvernent le monde de contenir des insurrections possibles qui seraient très chaotiques si elles avaient lieu, et qui ne mèneraient qu’à la répression violente des puissants, au nom d’une inenvisageable anarchie planétaire. Une certaine destruction est cependant à l’œuvre et elle vise ce qui nous tient, à la vie collective, à l’être ensemble, même si on peut encore en faire une critique. Une de plus. Une destruction du vivant est à l’œuvre au nom d’une volonté non d’éradiquer la mort, sublime hypocrisie, mais d’éviter des encombrements dans notre formidable système de soin, que nous avons sacrifié aux flux tendus en diminuant les stocks aussi bien de matériel que d’êtres humains, si je puis me permettre cette hyperbole.
Nous sommes, enfin ceux qui se le permettent tout du moins, suspendus à l’élection Américaine, qui n’est qu’un spectacle de plus de la société du même nom, comme si l’élection de Biden allait réparer le monde. Que ce soit Molière dans le Misanthrope ou Shakespeare dans Hamlet, nous avons été amplement prévenus par les poètes de l’impossibilité d’une honnêteté radicale dans les rapports humains, politiques entre autre, et d’une réflexion sur la vie, rendue inutile et impossible par notre penchant à la jouissance matérielle (leplus de jouir du capitalisme). Tous le théoriciens et philosophes faisant autorité dans les siècles passés se sont heurtés à la logique, ou aux logiques. On nous y a enchaîné, à ces logiques dialectiques et mathématiques, sciento linguistiques ; nous y faisons croire encore nos enfants, avec peine il est vrai tant ceux ci sont rivés aux représentations imbéciles du monde sur des écrans timbre poste devennant enfin incapables d ‘analyser leur tendance apophénique1, qu’ils prennent pour de la créativité alors qu’elle 'est production d'une psychoses de type nouveau que crée le capitalisme par sa vomissure marchande. Nous sommes de toute évidence décérébrés à petit feu par l’internet, et l’hystérie de l’information.
La lecture des statistiques de l’INSEE liées à la mortalité nous montre que si il y a une mortalité en hausse liée au Coronavirus, cette mortalité n’est pas plus spectaculaire que les années précédentes. La co morbidité liée aux décès enregistrés ne rentre pas encore dans les statistiques et les chiffres annoncés par les médias. La mort étant devenu un sujet tabou dans notre civilisation de l’instant, nous sommes soudain saisis par le fait que des gens meurent, et en nombre, dès lors le moindre chiffre annoncé par les médias concernant la mortalité devient sidérant. Que le virus circule est une évidence, qu’il circule plus vite qu’un autre aussi, certainement, qu’il soit plus agressif aussi. Qu'il y ait eu une mortalité très forte en Avril, c'est une certitude, que des gens en aient souffert, est aussi vrai. Quant à suivre son évolution, la science en est incapable au jour le jour, et c’est là que les statistiques entrent en jeu. La statistique est une modélisation mathématique faite à partir de données d’observations sur un temps donné et faisant appel à des modèles déjà existant et observés. C’est à dire qu’il s’agit, disons le curieusement, d’un modèle « cadavérique » ( mathématique ), froid donc, sans vie. Or le propre du vivant est de surprendre, aussi bien par des résiliences, que part des foudroyances. Le comportement du virus, ses mutations sa contagion et sa léthalité ne peuvent être saisies en temps disons « réel ». Il faut que s’écoule le temps humain de l’observation afin de saisir le vivant. Or ce vivant est désormais saisit par la machine, qui elle est « cadavérique ».
Je veux avancer par là que la gestion du vivant est désormais faite par des processus morts ( écriture des codes lue par la machine ), et ce au nom de la gestion d’une panique mondiale à venir, qui aura , elle, un rapport très direct avec la mort. Je pense à l’extinction des espèces en cours. Que l’homme disparaisse, ou soit en voie de, n’est pas un problème pour la matière de l’univers. Le virus n’est qu’une approche douce de ce qui va se succéder dans les temps à venir, il nous prépare, nous annonce que cette croyance en la science que nos temps dits modernes nous infligent comme religion, n’est en fait que la religion de la matière, mais la matière peut et doit être pensée désormais comme étant elle aussi vivante, mais à une échelle qui n’est pas celle de notre vivant à nous, animaux.
Une grande humilité doit se faire jour dans notre aventure humaine et ce langage qui nous lie doit lui même arrêter de fabriquer des mots vides de sens, qui ciblent des instants déjà passés au nom d’une éternité d’imbéciles.
Je conclurai ces mot en disant que les artistes et les intellectuels ont une responsabilité à ne pas se prendre aux jeux du langage de l'information, et à faire un travail sur l'état du monde, et en viser la déconstruction.
Ce travail a été déjà engagé par des philosophes et des scientifiques. Quant au politique, il faut remettre son sens en place : celle de la vie, et cette place politique , la retrouver en cas de perte, et la construire ensemble en cas de démolition. Ce qui veut dire bannir la violence de nos rapports.
1 altération de la perception qui conduit un individu à attribuer un sens particulier à des événements banals en établissant des rapports non motivés entre les choses.