Je me souviens d'une époque où j'étais allé chercher en Amérique du Sud, Bogotta exactement, des traces d'un théâtre autre, et où j'avais rencontré Carlos Aracque, anthropologue, acteur, directeur de troupe.
La véritable recherche d'un théâtre populaire se trouvait là. Dans les murs de bétons gris des sous sol de l'université de Bogotta. J'y ai vu des hommes se transformer en sorcière qui chassaient t la mort, et un indien devenir un soleil, et l'espagne alors tournait autour de lui.
Images métaphorique d'une décolonisation, d'une restitution, d'une remise à jour, mais à aucun moment de "cancel culture".
Aujourd'hui, des écoles de théâtre comme l'école Lassaad en Belgique ferment leurs portes. Dès qu'un enseignement s'approche trop de l'humaine condition, du théâtre de la chair et du mouvement, du collectif, de l'être ensemble, il s'érode et disparait avec ses créateurs.
N'est ce pas le cas pour moi aussi, fondateur d'une école où les enfants rentrés à 7 ans restaient jusqu'à leur adolescence, se voient encore trente années après, et où désormais le conservatoire de Paris y installe une classe "horizon théâtre" sous le fallacieux prétexte de démocratiser l'art de l'acteur.
On y prépare des acteurs de séries, d'immigrations diverses, Africains, Arabes, Sri Lankais afin de jouer dans des séries diverses une fiction prospectivistes qui ne fait que servir de moteur à la fabrication de l'opinion, mais en aucun cas à construire une véritable pensée critique philosophique, sous prétexte de modernité, qu'il y a un métier d'acteur qui n'est plus de l'ordre du vivant, mais d'une préparation à la mort d'une époque. Mon époque certes, et je laisse ici la parole à Saïd Lassaad qui ferme l'école de Belgique, dernière émanation de Jacques Lecoq, qui a formé tant d'acteurs célèbres : je rejoint complétement son propos, dans sa démarche profondément humaine.
Quand je parle de fabrication d'un prolétariat d'acteurs de séries, il s'agit bien de décérébrer d'une culture ancienne une jeunesse pour lui enseigner une non culture d'un non avenir de la représentation.
Apprendre à ne plus réfléchir, là est l'avenir.
Nous sommes réellement désolés pour les nombreuses personnes qui s’adressent encore chaque jour à l’école pour une demande d’inscription, souhaitant suivre « Le Voyage » que l’école a toujours défendu mais, il y a une raison qui oblige le bateau à rester à quai…
L’époque a effectivement bien changé, un nouvel air s’est installé avec ses incertitudes et ses doutes.
Forcement la nature des élèves n’est plus la même, ceux-ci portant un regard qui correspond à leurs visions de ce nouveau monde.
Or, pour continuer ce Voyage, Il faut se mettre à jour et rester attentif à ce changement pour conserver l’utilité de son enseignement de création, d’inventivité exigeant profondeur, maturité et authenticité.
Sans cette exigence, l’école ne peut imaginer faire semblant et ne désire pas, pour correspondre aux courants, aux souhaits et attentes du moment, se transformer en une simple école d’interprétation ou un lieu d’assemblage de cours adaptés.
Depuis le nombre d’années d’existence de l’école, la comparaison est inévitable et nous constatons que malheureusement, le contexte actuel a perdu de sa spontanéité.
Le dialogue est en apparence possible mais dans le fond il s’avère assez compliqué pour de multiples raisons.
L’effort à fournir pour former chacun devient trop conséquent et le plaisir s’affaiblit.
L’enseignement ayant tendance à devenir trop vertical, attendant du professeur qu’il soit l’exemple, le modèle, le moteur, l’alimentation de l’élève.
Cette attitude nous éloigne considérablement du fondement et de la base de notre école de création : Celle où le professeur encadre, provoque, propose les outils, fait découvrir les règles des styles de jeu.
Sa mission ayant toujours été de rester dans l’ombre pour mettre l’élève sous la lumière.
Alors est-ce cette époque aux multiples interrogations concernant son futur, submergé d’écrans et d’images qui oblige le professeur à combler un manque ?
Une insuffisance d’idées, d’initiatives, d’objectifs, de perspectives, de poésie, de folie, …
Il est cependant possible d’y arriver, bien sûr, sinon je n’aurais pas continué à transmettre durant ces dernières années.
Mais…
Cela demande énormément d’efforts et d’énergie. Après 47 ans d’enseignement et 40 ans d’école, avec un dévouement sans défaillance, j’avoue que je n’éprouve plus le désir de faire tant d’efforts obstinément.
Je préfère consacrer l’énergie qui me reste dans des secteurs qui n’entrainent pas de conflits de générations et qui se pratiquent avec plaisir, restant ouvert aux projets artistiques.